11 mai 2007

Laure Bertin photographe : interview

Laure Bertin – Interview – Mai 2007
Laure Bertin est une photographe à l'identité forte. Diplômée de l'Ecole Supérieure de Photographie d'Arles, Laure Bertin propose un univers urbain où la fixité des images, des lieux rend toute demande d'identification géographique impossible. De routes croisées avec des personnages ordinaires à des espaces vides de l'humain mais empreints véritablement de la trace humaine, même dans leur froideur ou leur inhumanité : les photographies de Laure Bertin sont un témoignage fort de notre environnement immédiat de société de consommation.La photographie de Laure Bertin n'est pas simplement un image à voir mais un médium philosophique, interrogatif qui amène le spectateur à s'interroger sur ce qui l'entoure, sur ce dans quoi il vit au quotidien. Une question sur l'uniformité qui envahit nos cultures industrialisées. Une jeune photographe prometteuse, dont le travail photographique est intense en émotions. Photo de Laure Bertin série "Apnées"
Fenetreentrepot




1 – Quel a été votre parcours, votre formation initiale ?


J’ai pratiqué la photographie en autodidacte pendant plus de dix ans avant d’intégrer l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles.


2 – Pourquoi le choix de la photographie pour vous exprimer ?


La photographie s’est imposée à moi, c’était une évidence, c’est inexplicable. Pourtant je suis fascinée par la peinture, cela se voit dans mes photographies. Je ne me lasse pas d’aller au Louvre pour voir et re-voir les Primitifs Italiens.


3 – Vous abordez avec acuité le thème de l’absence, de l’interchangeabilité des lieux urbains dans la série Apnée. Qu’est ce qui vous a amené à aborder une telle démarche photographique ?


La seule modalité au départ d’Apnée, c’était d’être en disponibilité photographique en ayant l’appareil sur moi quasiment en permanence. L’idée, c’était d’oublier ce que j’avais pu faire avant et d’être ouverte à tous les possibles photographiques.
Très vite je me suis trouvée devant un ensemble cohérent qui s’est constitué de lui-même. Comme une mise en images de choses qui étaient là, en moi, et que j’ignorais.


4 – Vos photographies sont empreintes d’une organisation très géométrique. Visiblement vous ne « mettez pas en scène » mais vous happez des moments, des espaces. Comment s’effectuent vos choix ? Qu’est ce qui vous motive à photographier tel ou tel lieu ? personnage ?

Cela peut surprendre, mais je travaille au 24x36, à la manière d’un reporter. Je marche beaucoup, en zone urbaine et périurbaine. Les lieux qui m’attirent ressemblent à des décors.
L’organisation géométrique est essentielle au climat qui se dégage de mes photographies. Je structure minutieusement mes images tout en travaillant toujours très vite, de manière instinctive. Il est très rare qu’une prise de vue me prenne plus de quatre ou cinq minutes.


5 – Quelles ont été vos influences ?

À 17 ans, lorsque j’ai commencé à faire sérieusement de la photo, je vivais aux Etats-Unis, naturellement j’ai beaucoup regardé les travaux des photographes américains. C’est là que j’ai appris la composition en regardant les photographies de Lewis Baltz, Harry Callahan ou Lee Friedlander.
J’essaye de prendre conscience des travaux qui ont pu m’influencer. À une époque, j’ai lu pas mal d’essais. J’ai été marquée par « L’ère du vide » de Gilles Lipovetsky avec cette notion d’anémisation du réel. On me cite souvent Edward Hopper, j’aime beaucoup ses peintures, mais je me sens toute aussi proche de Thomas Demand. Et puis je retrouve aussi mes préoccupations pour la couleur, le factice et la ville vécue comme décor, dans un courant très actuel de la photographie avec quelqu’un comme Hannah Starkey ou plusieurs artistes du collectif P.O.C.


6 – La couleur est un élément essentiel de vos photographies. Après la prise de vue, travaillez vous sur la retouche, de façon à accentuer une ambiance particulière ?


Dans la série Apnée, il est important pour moi de ne pas faire de retouche. Tous ces lieux existent tels quels. J’aime l’idée qu’il s’agit de « fragments de réalité ».


7 – Comment percevez vous la place des artistes contemporains au sein des institutions culturelles françaises ? Quelles sont vos relations avec ces institutions ? Et avec les galeries privées ?


Je suis représentée par une marchande privée basée à Londres, mais j’ai encore peu de relations avec les institutions. Je n’ai jamais « fait le tour » des galeries ni des institutions.


10 – En tant que jeune photographe, artiste contemporaine, comment envisagez vous la visibilité de votre œuvre ? Je pense à votre site internet, galerie virtuelle mais aussi à votre participation à Itinéraires des Photographes Voyageurs par exemple. Quels rapports entretenez vous avec le spectateur de vos œuvres ?


J’ai envie d’offrir plus de visibilité à mon travail notamment à travers la participation à des festivals. Participer à un festival ce n’est pas seulement montrer son travail, c’est aussi rencontrer d’autres artistes, se trouver soudain pris dans une dynamique de groupe alors que l’on est la plupart du temps, isolé, seul face à son travail. À Bordeaux, lors du week-end d’ouverture d’Itinéraires des Photographes Voyageurs, j’ai rencontré des gens merveilleux. C’est un festival que je recommande vivement, l’ambiance y est très conviviale.
Et puis quand on expose, il y a la rencontre avec le public (je devrais même dire les publics) lors du vernissage. C’est toujours un grand moment quand le travail rencontre un écho chez l’autre. Cela donne du sens à une pratique artistique qui est aussi faite de doutes.


11 – Quels projets artistiques avez vous actuellement ? Avez vous des expositions prévues ?


Je pars prochainement en Russie et au Japon pour faire de nouvelles images. Je vais bientôt montrer une nouvelle série de photographies. J’ai pris le temps de trouver la « note juste » après la série Apnée qui par ailleurs n’est pas achevée. Je crois, tout comme en écriture, que ce n’est pas le premier livre ou le premier travail photographique qui est le plus difficile à sortir mais le suivant. Produire des images, c’est toujours possible et c’est le piège dans lequel tombe à mon avis beaucoup de jeunes photographes, parce qu’il y a une réelle pression à montrer une nouvelle série tous les ans. Être authentique, faire preuve de cohérence et d’exigence, c’est plus compliqué, mais c’est le chemin que je souhaite suivre.




L'entretien est intéressant !
La photographe a l'air de l'être aussi. On sent qu'elle sait ce qu'elle fait, qu'elle a la tête sur les épaules. La simplicité est tellement rare de nos jours que ça vaut la peine d'être signalé ! J'aime beaucoup ce qu'elle fait.


Pablo.

Rédigé par: Pablo | le 13/05/2007 à 20:01

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