Interview de Jérémie Buchholtz le 13 mai 2007
Jérémie Buchholtz voyage, pérégrine, contemple. Un parcours de photographe sensible et riche en réflexions.
1° Quel a été votre parcours ? Comment avez-vous appréhendé la photographie ?
Après mon baccalauréat, j’ai entamé des études d’histoire de l’art à Bordeaux. A la fin de mon DEUG j’ai eu envie d’aborder l’art contemporain, et me suis dirigé vers une licence d’arts plastiques. Il existait une association ARTHOTEM à l’UFR d’histoire de l’art avec un labo photo. Je m’y suis inscrit et me suis immédiatement senti très à l’aise avec la photographie, de la prise de vue au développement.
J’ai commencé à photographier en noir et blanc le Bassin d’Arcachon, les pêcheurs, à révéler moi-même mes prises de vue.
J’ai finalisé mon cursus universitaire en arts plastiques par un mémoire sur les spécificités de la photographie argentique.
2° Argentique, numérique : avez-vous fait le choix de l’un ou de l’autre ?
Lors de ma maîtrise, je me suis posé la question de la confrontation argentique-numérique. J’ai eu tendance à les opposer. Mais finalement ce n’est pas le cas. Nous sommes un peu dans la même situation qu’à la fin du 19ème siècle, où l’on craignait que la peinture ne disparaisse avec l’émergence de la photographie. Finalement, la peinture a fait son propre chemin, et s’est affranchie de la commande. Il peut en être de même pour la photographie argentique.
Pour moi les deux sont importants et complémentaires, à utiliser selon les enjeux de l’image, les lieux de prise de vues, les conditions de lumière, de température ou de la nature même du sujet.
La photographie argentique induit un rapport analogique, physique et sensible à la prise de vue. C’est un travail manuel, artisanal, dans lequel l’aléatoire est très présent.
Dans ce cas il faut anticiper et entamer la réflexion du tirage dès le moment de la prise de vue. Quant aux tirages, ils ne peuvent se reproduire à l’infini. Le laboratoire devient un espace essentiel, un lieu de surprise, d’attente mais également de pratique et d’expérience. C’est un cheminement en cercle, de la prise de vue au tirage unique.
Pour le numérique on peut poser le problème actuel de l’usage amateur, immédiat, avec souvent une méconnaissance technique. Maîtrisé, c’est un outil très intéressant. Pour l’exposition « Bordeaux-Nouakchott » (road-movie), présenté dans le cadre du festival « Itinéraire des photographes voyageurs », j’ai tout d’abord effectué les prises de vue en argentique dans le format 24X36. Puis j’ai utilisé des scanners haute définition, les logiciels adéquats pour recadrer mes clichés en panoramique, les rééquilibrer entre eux, puis travailler le grain de façon à pouvoir agrandir en très grand format. C’est une autre forme de laboratoire, chez soi.
Je pratique donc les deux médiums, même si j’entretiens une grande affection pour la production argentique et le tirage sur papier baryté (noir et blanc).
3° Vous n’opposez pas la couleur au noir et blanc ? Qu’est ce qui vous amène à choisir ?
Avec le noir et blanc, et notamment le support baryté, il y a une concentration sur le sujet. La suppression de l’information couleur est une forme d’abstraction. Nous voyons tous en couleur, le sujet et l’ambiance représentés en dégradés de gris prennent donc une importance particulière dans l’image. Quel intérêt dans l’image rendue, dans le regard porté ?
Le noir et blanc est une écriture, un style, une cohérence. Si j’expose 30 clichés en noir et blanc pris sur différentes périodes, il est important que le spectateur reconnaisse tout de suite le lien dans mon travail, mes contrastes, mes lumières. Je dirais que la pratique maîtrisée et personnalisée du noir et blanc permet d’identifier le discours et la sensibilité récurrente du photographe.
Avec le noir et blanc c’est un jeu de construction, d’équilibres et de formes.
La couleur quant à elle, impose une réalité plus crue. L’image est fidèle à la couleur, à ce que l’œil du photographe a vu.
4° Vous vous définissez comme un artiste ? Ou un photographe documentaire ?
Je n’ai pas la démarche, actuellement, d’un artiste ou d’un photographe plasticien. Pour moi, une démarche plasticienne correspond à un travail récurrent, avec une méthode et une production ciblée qui prévalent sur le sujet représenté (s’il y a lieu). Je suis un photographe polyvalent, qui illustre des sujets très précis. Une petite partie de ma production est destinée aux cimaises et aux beaux livres.
Ma nature est contemplative : j’observe, je m’imprègne de tout ce qui m’entoure (le temps, la nature, les manifestations du quotidien). Avec la photographie j’élargis mon regard, je saisis des choses simples mais parfois cachées. Ainsi je n’ai aucune envie de faire du sensationnel, de l’actualité « chaude » ou du photojournalisme sur des conflits, des guerres.
A mon sens, la photographie garde une trace : C’est une vision et une réflexion. Actuellement, mon travail s’apparente donc plus au documentaire.
Pour les séries en Mauritanie (les griots, la route Bordeaux-Nouakchott), il était indispensable que je sois un caméléon. Pas question de jouer les intrus, de faire prendre des poses. Il faut être sociable, ne pas déranger ceux que l’on souhaite photographier. Lors de mes rencontres, les premiers instants se font d’ailleurs sans que je sorte l’appareil. Puis petit à petit je peux photographier les gens tels qu’ils sont, sans pose mais avec naturel.
Le médium photographique est pour moi une clé qui force la curiosité, le désir des rencontres.
5° Quelle est votre actualité à ce jour ? Quel regard portez-vous sur votre travail et vers quelle réflexion vous orientez-vous ?
Je reviens de Riga en Lettonie où j’ai participé au festival « Un Printemps français en Lettonie ». Invité en résidence grâce au mécénat d’institutions, j’y ai réalisé des photographies (en noir et blanc sur baryté), qui tendent à révéler les particularités sociologiques de ce pays, ses contradictions, son architecture.
Je disais que je n’ai pas de véritable démarche plasticienne. Mais je commence à penser mon travail autrement depuis peu. Lors du voyage Bordeaux-Nouakchott, j’ai pris une série de clichés « sans quitter ma fenêtre » : des photos derrière un pare-brise de voiture. J’ai voulu interroger le sens et la représentation des dimensions, dépasser le bidimensionnel de la photo, montrer un espace-temps mouvant. J’ai réalisé un panneau de 64 photos, comme une mosaïque : de loin le spectateur ne voit qu’un tableau qui semble parler d’un thème unique (la route, le désert). Plus il se rapproche, plus il perçoit des détails, des personnages, des lieux et des temps différents. Son œil se promène, sa vision s’élargit, se rétrécit.
J’ai envie de poursuivre dans cette voie, travailler sur les différences et les similitudes, les manifestations humaines sur une grande ou une courte distance, montrer le temps qui passe.
Photographies Jérémie Buchholtz, tous droits réservés. Série "Bordeaux-Nouakchott"
17 mai 2007
Jérémie Buchholtz interview d'un photographe voyageur
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